L’Endocrine Society est l’une des organisations de référence mondiale en matière d’endocrinologie. Fondée en 1917 et composée de plus de 15.000 membres émanant de plus de 100 pays, elle publie 7 journaux scientifiques qui font référence au niveau international. Andrea Cicolella explique dans son ouvrage « Toxique planète – le scandale invisible des maladies chroniques »[i], que lors de son congrès organisé en juin 2009, cette société a lancé la déclaration de Washington sur base d’un rapport appuyé sur près de 500 références d’études scientifiques. Ana Soto, professeur de biologie à l’université de Tufts à Boston, rédactrice de l’appel de Wingspread est l’un des 7 auteurs de cette déclaration dont le but était d’élargir les conséquences connues des perturbateurs endocriniens aux troubles du comportement et aux troubles métaboliques. On y lit :
« Les preuves de résultats préoccupants en matière de reproduction (infertilité, cancer, malformations) venant de l’exposition aux perturbateurs endocriniens sont fortes. Il faut y ajouter un nombre croissant d’effets, comme des effets thyroïdiens, neuroendocriniens, sur l’obésité et le métabolisme, sur l’insuline et l’homéostasie du glucose. »
Ana Soto définit un perturbateur endocrinien comme suit :
« Un perturbateur endocrinien est une substance naturelle ou de synthèse qui, à travers une exposition environnementale ou une exposition inappropriée durant le développement, altère le système hormonal et le système homéostatique qui permettent à l’organisme de communiquer et de répondre à son environnement. »
Selon cette chercheuse un changement de paradigme au sujet des conséquences des perturbateurs endocriniens est indispensable et 5 points seraient à revoir.
- L’âge de l’exposition à ces molécules perturbatrices est essentiel : « c’est la période qui fait le poison, car les impacts sont toujours consécutifs à l’exposition pendant la période de gestation. »
- Il n’y a pas de délai précis et connu entre le temps écoulé, l’exposition et les conséquences des perturbateurs endocriniens. Les effets morbides peuvent en effet se manifester très longtemps après l’exposition et parfois même quand plus aucune trace de poison n’est détectable (hormis par des moyens énergétiques) dans l’organisme.
- Elle a mis en évidence l’importance des interactions entre les substances chimiques. C’est ce que l’on nomme l’effet cocktail. Si une substance seule peut n’avoir aucun effet à une concentration donnée, à ces mêmes concentrations cette même substance combinée à une autre peut avoir des effets désastreux.
- Ana Soto explique aussi que l’effet de certaines molécules toxiques était plus marqué à faible dose et qu’il était même possible qu’elles n’en aient aucun à forte dose. Ce point de vue paraît délirant aux yeux de la plupart des scientifiques. C’est pourtant le principe de l’homéopathie, principe connu depuis plus de 200 ans.
- Le dernier point réside dans le fait qu’il existerait des effets transgénérationnels. Ce fait a été confirmé par de nombreuses études scientifiques sur les animaux. Exposés à des toxiques durant le stade utérin, ceux-ci présentaient parfois des troubles lors de leur période de croissance et à l’âge adulte. Mais fait plus étonnant, des troubles métaboliques étaient également observés dans leurs descendances, descendances qui n’avaient pas été elles-mêmes directement exposées.
En 2011, dans le texte de la déclaration de Wingspread[ii] (Réseau Environnement Santé – téléchargeable en PDF sur Internet), l’on pouvait déjà lire « … de nombreuses populations d’animaux sauvages sont d’ores et déjà affectés par des composés des produits phytosanitaires (mauvais fonctionnement de la thyroïde, baisse de fertilité, malformations, anomalies du métabolisme, féminisation des mâles, masculinisation des femelles, anomalies de comportement, déficit immunitaire) et que les humains sont également affectés par ces composés, comme le montrait déjà l’exemple du distilbène. » Ainsi, pour les 21 scientifiques qui ont participé à sa rédaction, plus aucun doute n’est permis. Il est urgent d’agir et de contrôler la contamination de l’environnement par les perturbateurs endocriniens.
Voilà qui pousse à réfléchir au sujet de l’exposition des femmes enceintes aux toxiques, ainsi que sur ce que l’on transmet comme bagage à nos enfants. L’on sait qu’au début des années 2000, l’on trouvait déjà près de 300 toxiques dans le sang du cordon ombilical du nouveau-né et vu le nombre croissant de substances chimiques qui nous environne, cela n’a vraisemblablement pas diminué depuis.
[i] « Toxique planète – Le scandale invisible des maladies chroniques » – Andrea Cicolella – Éditions Anthropocène Seuil, 2013
[ii] http://reseau-environnement-sante.fr/wp-content/uploads/2016/01/LA_DECLARATION_DE_WINGSPREAD.pdf